ZOOM SUR 3 TECHNIQUES QUI FONT POLÉMIQUE

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Auteur :Anne-Sophie Gamelin

8/11/2021

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Le champ de compétences de l’esthéticienne est suffisamment vaste pour qu’elle puisse proposer à ses clients une palette de soins complète, sans empiéter sur des domaines qui ne sont pas les siens. Retour sur trois techniques qui ont suscité (ou suscitent encore) nombre de questions.

Techniques 1/3 – Le microblading

Le microblading, qui peut être qualifié comme du microneedling, permet de dessiner des “poils”, grâce à des pigments placés sous la peau à l’aide d’un stylo métallique et de nano-aiguilles. C’est une façon très naturelle de combler les sourcils épais ou ceux dont la ligne a été abîmée à outrance. Cette technique peut être pratiquée par des esthéticiennes ou des non esthéticiennes.

La Confédération nationale de l’esthétique parfumerie (CNEP) a consulté la DGCCRF, qui précise « que si les esthéticiennes souhaitent pratiquer le microneedling à des fins de tatouage, elles doivent se soumettre aux exigences réglementaires applicables aux tatoueurs. Toute autre utilisation leur est interdite ». Il est clair que cette dernière disposition devra évoluer mais un peu de temps sera nécessaire pour que la pratique soit parfaitement encadrée.

Techniques 2/3 – La lumière pulsée

Une jurisprudence signe la fin du célèbre Arrêté de 1962, qui n’autorisait aux esthéticiennes que le droit d’épiler à la pince ou à la cire. Désormais, celles-ci peuvent pratiquer l’épilation à la lumière pulsée sans le risque d’être traînée devant les tribunaux pour exercice illégal de la médecine. Voici quelques dates clés.

  • 8 novembre 2019 : le Conseil d’Etat prononce l’illégalité, au regard du droit européen, de l’arrêté du 6 janvier 1962 réservant la pratique de l’épilation au laser ou à la lumière pulsée aux seuls médecins.
  • Mars 2020 : la chambre criminelle annule plusieurs condamnations d’esthéticiennes, suivant ainsi la décision du Conseil d’Etat de novembre 2019.
  • 19 mai 2021 : la Cour de cassation (1ère chambre civile)précise que la pratique, par un professionnel non médecin, d’épilation à la lumière pulsée n’est plus illicite et que sa propre jurisprudence devait être modifiée. L’arrêt stipule que « cette évolution de jurisprudence s’applique immédiatement aux contrats en cours, en l’absence de droit acquis à une jurisprudence figée et de privation d’un droit d’accès au juge ».

En clair, cela signifie que les instituts de beauté qui utilisent cette technique ne peuvent plus être poursuivis pour exercice illégal de la médecine.

Un décret est en cours d’élaboration pour encadrer la pratique. Il définira le diplôme qui permettra à l’esthéticienne de pratiquer avec l’IPL et fixera le programme et la durée de la formation post diplômante, obligatoires pour exercer. Le fait que le décret ne soit pas encore sorti n’interdit en rien la pratique de l’épilation par IPL par l’esthéticienne. Le règlement sur les dispositifs médicaux devra, lui, fixer le type d’appareil autorisé pour les esthéticiennes.

Techniques 3/3 – Le Hyaluron Pen 

Le Hyaluron Pen est un stylo dermique équipé d’un ressort à piston, qui libère une dose précise d’acide hyaluronique sous la peau. Celui-ci serait propulsé par air comprimé à une vitesse de 800 km/h, provoquant, à la surface cutanée, un trou « microscopique » (deux fois plus petit que le diamètre d’une aiguille pour injection) au travers duquel le produit pénètre. Voici la consultation de Maître David Simhon, avocat spécialiste en Droit de la Santé, sur les dangers de cette technique.

  • Dans une décision du 22 juin 2017 confirmée par la Cour de cassation, la Cour d’appel de Paris a jugé (CA Paris, 22 juin 2017, n° RG 15/17122) : « Considérant qu’afin de déterminer le caractère esthétique ou médical d’un acte de rajeunissement, il convient de vérifier que celui-ci n’a pas de visée curative et qu’il n’est pas réalisé par effraction cutanée. » Or, le Hyaluron Pen crée bel et bien une effraction cutanée, minime mais réelle, dans la mesure où cette technique provoque un « trou microscopique » dans la peau.
  • De plus, l’acide hyaluronique utilisé dans le Hyaluron Pen a vocation à pénétrer au-delà de l’épiderme. Il perd alors sa qualification de produit cosmétique et devient un dispositif injectable. Il est donc un dispositif médical.
  • Nous alertons toutes les esthéticiennes chef d’entreprise sur la dangerosité de telles techniques pouvant provoquer des saignements et des gonflements sous la peau, avec également un risque d’infection. Dès lors qu’il y a « trou » dans la peau, même minime, il existe une « porte d’entrée » pour des germes et une possibilité d’infection potentiellement grave.

L’ensemble de ces éléments milite pour une non-utilisation du dispositif par les professionnels de la beauté et du bien-être.

 

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